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Bulle Océan
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5 avril 2010

Le Refuge

refuge"Le Refuge" est un film de François Ozon que je suis allée voir il y a quelques temps.

Je remonte dans ma propre histoire : en juillet 2009 j'emménage chez mon homme (alias Ildefonse), après quelques mois d'hésitations... Je quitte donc le jeune homme avec qui je vivais jusque là, qui ne voulait pas vraiment d'enfant. Ildef' a quelques années de plus que moi : il est le premier homme à m'avoir murmuré son désir d'enfant, de lui-même (pour ma fille, j'avais dû travailler mon ex-mari pour qu'il accepte) et ça me touche encore. Nous nous sommes retrouvés sur ce désir très fort.
J'ai quasiment 36 ans. Je ne voulais pas d'enfant après 35 ans.

Fin aout 2009, je tombe enceinte ; ce n'était pas réellement prévu. On faisait attention aux dates d'ovulation... (et j'avais eu beaucoup de mal à avoir ma fille, donc je n'imaginais pas que "sans faire exprès" était un concept envisageable.) Mon homme est ému, heureux... (et moi, je flotte sur un petit nuage rose.)
A trois mois de grossesse, on m'annonce froidement lors de l'écho où je "le" vois, que le coeur de ce petit bout de bébé s'est arrêté de battre. Quelques jours plus tard, je subis une intervention sous anesthésie générale. Au choc de la fausse couche, aux souvenirs de ma première grossesse très difficile, se rajoute une douleur encore plus difficile à surmonter : la réaction du futur papa. Besoin d'être seul (je peux comprendre) mais aussi, rejet total de mes sentiments, de mes peines. Il est dans le déni, refuse mes souffrances, par peur que ça lui renvoie les siennes ?  Il balaie mes émotions, parce qu'il voudrait que je les oublie. Il me bouscule avec des mots durs. J'aurais voulue être accompagnée, soutenue, alors que je sombrais, que j'affrontais cette triste réalité. Besoin d'évacuer, pour accepter et vivre avec.

J'ai porté la vie, le plus beau cadeau qui soit au monde ; j'ai porté la mort, pendant deux semaines, aux côtés d'un homme manifestement traumatisé à l'idée de toucher mon corps. Il a fallu plusieurs mois avant de retrouver ce geste qui m'émeut tant : sa main posée sur mon ventre, ses caresses pleines de protection et de désir d'enfant, dévoilé en silence...
Il reste des hésitations, encore, mais petit à petit... 

Tout ceci nous a séparés, et le chemin semble long pour nous retrouver (ce sujet refera surface dans un autre article).
Pourtant ces moments où la vie veut reprendre le dessus me troublent, ces instants où les pensées s'arrêtent, où nos corps parlent, se frôlent, se serrent, s'aiment animalement. Où je vis à travers mes sens uniquement. Mes lèvres pour le goûter... Son odeur, sa chaleur. Ses mains sur ma peau, et je vis, je ressens, je vibre. J'ai envie d'enfant quand mon homme est en moi, au fond de mon ventre. Quand il est loin de moi, même par la pensée, j'ai parfois peur de revivre cette souffrance, seule. On n'est pas un couple, si on ne peut pas partager ça, traverser ces épreuves ensemble, se soutenir...   

..

Début février, je cherche à aller au cinéma, et je tombe sur ce synopsis :

" Mousse et Louis sont jeunes, beaux et riches, ils s'aiment. Mais la
drogue a envahi toute leur vie. Un jour, c'est l'overdose et Louis meurt.
Mousse survit, mais elle apprend qu'elle est enceinte. Perdue, elle s'enfuit
dans une maison loin de Paris. Quelques mois plus tard, le frère de Louis
la rejoint dans son refuge. "

ventre

Ça a l'air assez glauque et déprimant, n'est-ce pas ? J'apprends que l'actrice était réellement enceinte pour tourner ce film. Je regarde la bande annonce . Et quelque chose m'interpelle, m'intrigue, m'attire. Un petit quelque chose de doux et mélancolique, qui me pénètre. Cette ambivalence mort / vie. Un peu de ce que je ressens depuis quelques mois, qui s'estompe tout doucement...

J'y vais seule. Envie d'y aller seule, mon homme de toute façon s'arrête au côté "triste" de l'histoire, donc ça ne le tente pas.

Dès le début, je suis séduite, happée par l'histoire, les prises de vue, les gestes, la sensualité, les émotions.
Ça devrait être violent, ça ne l'est pas. La drogue, l'overdose, sont filmés presque pudiquement, sobrement. Ce couple est  plongé dans sa bulle néfaste mais protectrice. Ils s'aiment, sont sensuels.

Plus tard, elle est en deuil et en train de donner la vie. La vie reprend le dessus. Elle se réfugie au bord de la mer et son "beau frère" la rejoint pour quelques jours. Le temps prend le temps... et on est dans une autre bulle, où Mousse se reconstruit doucement, seule puis accompagnée. Ces deux êtres s'apprivoisent, sont sensibles, touchants là encore. Se comprennent, au fond. Ils s'aident, se découvrent et se retrouvent eux-mêmes, partageant des moments simples et forts. Ils vont faire de leurs fragilités une force.

Les personnages sont très attachants, parfois déroutants, complexes.
Il y a de l'amour, sous toutes ses formes ou presque, même là où on ne l'attend pas. L'amour dépasse les conventions, fait tomber les barrières, ne s'encombre pas des bonnes moeurs. Juste de l'amour, de la tendresse.
La grossesse est comme sublimée, tout en simplicité, j'ai bien ressenti cet état particulier dans lequel on flotte, ce côté intrigant, mystérieux, et beau, presque magique. Isabelle Carré rayonne, passant d'un côté fragile, perdu, à un côté plus mâture, posé, responsable.
Louis se cherche, lui aussi, et trouve sa place, grâce à sa générosité, sa délicatesse.

Autre point qui a rajouté au charme : la façon dont c'est filmé, les gros plans, de belles images, c'est presque de la photo... cette façon de s'attacher à des détails, toujours dans la sensualité. Les odeurs, le toucher, le plaisir des yeux... Les peaux, un ventre rond, des mains, des regards, un dos au soleil, un corps masculin parsemé de gouttes d'eau, un visage féminin, un sourire... une nuque, un baiser, des caresses... 

"Le Refuge" déborde de douceur, de sensibilité... Subtilité, pudeur et délicatesse me viennent à l'esprit.
Et au final, il porte l'espoir, une sorte de quiétude, de sérénité, je trouve. La vie continue, il y a de belles choses à vivre, même si on ne sait pas trop comment les appréhender. Il redonne confiance.
Une transition. On en ressort différent, comme grandi. Ce film apporte de la fraicheur, et le désir de regarder les événements sous un autre angle. Accepter, enfin. La lumière parait différente. Un souffle de vie nous donne envie d'avancer.

C'est beau, simple, et vrai.
C'est du bonheur.
J'étais très émue, et heureuse, en sortant de la salle.

..

Il y a quelques jours, ma maman me parlait de son cancer, de ses peurs... Depuis, l'idée d'essayer de redonner la vie s'insinue doucement en moi... Advienne que pourra.
Ce matin, lovée dans les bras de mon homme, apaisée par la chaleur de sa peau, par son odeur, un câlin... et ses mots prononcés doucement : "C'est quand qu'on refait un bébé ?"

J'ai failli pleurer.
Un enfant. Ce lien unique, si particulier...   

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Commentaires
L
J'ai quelques posts de retards mais très bel article indeed :-)
B
Merci à vous, sincèrement. :-*
L
Très bel article ma Hildegarde, sur des thèmes dont nous avons parlé souvent toutes les deux. Je suis contente que tu gères tout ça mieux qu'avant, en tout cas... Et puis ça m'a donné envie de le voir, ce film !
Q
Des fois, c'est comme ça : la souffrance donne des envies de mordre, quand elle est trop forte...Elle est à la mesure d'espoirs déçus. Heureusement, l'amour, puisqu'il est là, reste vainqueur !
Bulle Océan
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